mardi 31 mars 2009

Colonia de Sacramento







C'est Saint Tropez, Pontaven, et Collioure réunis qui se sont donnés rendez vous là. Le public, le chic des boutiques, la qualité des rénovations du centre colonial, les petites rues grossièrement pavées, et toujours le mouvement du fleuve dans la perspective. Des placettes plantées de vieux arbres ombreux se découvrent au débouché d'une venelle. Puis, nous parvenons aux rives côté atlantique, sous le patronage d'un grand phare blanc. La pierre à nue forme une dalle doucement inclinée vers les vagues. Douce au toucher, elle semble s'être érodée peu à peu, sous les caresses des eaux. Les touffes du pré descendent jusque dans les flaques, et les ramures des arbrisseaux s'arquent au dessus du ressac. Ce n'est pas la rudesse de l'Atlantique, mais bien le Rio de la Plata, le plus large du monde, qui ressemble à s'y méprendre à l'océan. Nous continuons la promenade en longeant le littoral verdoyant, que ceinture la route et sa ballustrade peinte en blanc. On rejoint la pointe de la ville et passons côté baie. Là se blottit le port, c'est un vaste mouillage protégé d'une jetée. La façade de la ville s'ouvre sur le littoral, plus calme et plus abrité du vent. On peut en voir les terrasses et les jardins qui dégringolent jusque dans l'eau calme. Nous finissons la journée à la terrasse du moulin, bar aménagé dans une haute tour de pierre cylindrique tronquée. Le coucher de soleil sur les îles de la baie est merveilleux. Mais ce qui nous captive le plus, ce sont les minuscules barrettes qui se détachent au dessus de l'horizon. Dans l'air troublé, nous apercevons les hautes tours de Buenos Aires, dont les sommets scintillent de lumière à la nuit tombée. Bientôt, c'est tout le pourtour de la baie qui pétille de la lumière intermitente des phares.






samedi 28 mars 2009

Parc National El Palmar







Nous empruntons une piste secondaire qui s'enfonce en ligne droite dans le bush. Le ciel est saturé du vol des tourterelles qui fusent dans toutes les directions. Leur roucoulement crée un bruit de fond sourd et persistant. Dans la perspective du chemin, on aperçoit tout à coup des capibaras qui broutent les buissons. On s'approche furtivement, la jumelle à l'oeil, pour observer ces drôles de bêtes pataudes. Leurs petits yeux noirs ne nous voient pas, tout occupés qu'ils sont à flairer les feuillages. On dirait des sangliers tant ils sont hauts, et leurs courtes pattes malagiles tiennent plus du porcin que du rongeur. De l'autre côté de la rivière, d'autres silhouettes sombrent traversent le chemin. Nous explorons la rivière envahie par une brousse de plantes aquatiques et d'arbrisseaux piquants. Remontés de l'autre côté de la dépression, nous parvenons au sommet d'un relief aplani. Autour de notre promontoire, s'étend la priairie rase et sèche que fréquentent les hauts Yatay. A perte de vue, les touffes perchées sur leurs troncs en bouquets clairsemés, transforment le paysage en labyrinthe où se perd le regard. De retour, au bord de la piste, un renard gris longe la lisière. Il se dirige droit sur nous, insouciant. A quelques mètres, il lève la truffe et flaire dans l'air du soir le parfum de notre répulsif à moustique. Incrédule, il hésite avant de regagner les profondeurs des fourrés. Nous observons encore des capibaras en train de s'accoupler et s'enfuient à notre approche. Le soir tombant, les palmiers se transforment en marionnettes d'un théâtre d'ombres chinoises, tignasses perchées sur leur unique échasse. Au camping, les viscaches sortent de leurs vastes terriers. Ces étranges lapins ont une tête énorme, barrée de lignes blanches et noires, qui leurs donnent une allure de caricature sur petites pattes. Dans les douches, de gros crapauds barriolés d'un camouflage coloré surgissent de leurs cavités et rebondissent rapidement à notre approche. Nous dînons avec une chandelle à l'huile improvisée, au chant des grillons. Pendant la nuit, les viscaches discutent et se disputent dans leur langue d'onomatopées extraterrestres.

jeudi 26 mars 2009

Colon


Etape de deux jours dans la petite ville de Colon, au bord du rio Uruguay

A l'autre bout du village, on atteint le camping. Un superbe spot à parillas sous les saules, face au large fleuve Uruguay. Apres la baignade, je monte ma canne car le soir tombe rapidement sous cette latitude et en ce début d'automne. Les petits poissons mouchent, agitent frénétiquement de leurs battements frénésiques la surface de remous bruyants. Une attaque de carnassier provoque une panique éclaboussante à côte de moi. Je sens la bête. Trois lancés sur les lieux de la rixte: ça mord! Le chasseur a beau faire des sauts a la surface de l'eau, je l'ai bien ferré. Les familles qui se promènent accourent pour voir ma prise et le pêcheur voisin me donne le nom de ma victime: un dorado. Le bonheur a un goût simple ce soir là, pimenté de clair de lune.







mardi 24 mars 2009

Rosario

Sous un haut couvert de vieux eucalyptus, je parviens au bord du fleuve Parana. Dans la perspective du large, en aval, un magnifique pont a double haubans tend sa ligne courbe par dessus le grand vide. Se detachent en arriere plan, les hauts immeubles de Rosario. La belle Manathan exotique nous ouvre les bras. ¡Adelante chicos!


Plaza 25 de Mayo, la promenade enchaine sur une artere pietonne qui mene droit sur Le monument patriotique local. C´est un trocadero de pierre blanche, echelle inhumaine et architecture rigide. Grandes pieces d´eau a debordement, statuaire communiste melee d´olympisme. Urnes de plomb, dont celle du centre, sous l´arc de triomphe enorme, crache du vrai feu. Clou du spectacle, de l´autre cote de l´arc, un emmarchement de cinquante metres de large descend jusqu´au semaphore. Massive tour de pierre aveugle a la gloire du drapeau national, invente a Rosario. Inquietant symbole nationaliste. Le monument est cerne de tours d´habitation plus hautes que lui, triomphe de la reussite privee sur la puissance publique.

La ville de Rosario est semblable a ses soeurs: une grosse gaufre de rues de meme largeur et de carrefours a angle droit, ou on ne sait jamais qui a la priorite. La classique artere pietonne, remplie de commerces, coeur battant qui n'est pas encore parti en banlieue. Mais a Rosario, on y vient avant tout pour son front de fleuve, unique. Friche portuaire reconvertie en espaces publics sur quinze kilometres de long.


Pres du fleuve, de vieux docks de brique sont rehabilites en ateliers artistiques. Sieges d´associations, clubs, lieux d´expositions. Le tout subventionne par les services culturels municipaux. En contrejour, des acrobates escaladent un foulard gigantesque devant le fleuve, tandis que la coque demesuree d´un cargo glisse derriere eux.



La Rambla continue sous les palmiers. Des bars sont accroches a la falaise, d´autres loges dans d´anciens batiments industriels remis a neufs. En se penchant au dessus du parapet, on devine 15 metres en contrebas, a travers les ramures des arbres, des jardins secrets. Ce sont des terrasses de restaurants ou des clubs prives de peche, ou meme des cabanons de particuliers. Petits paradis privilegies, caches du reste de la ville, appartenant plus au monde fluvial qu´a l´urbain.

C´est jour ferie, a la memoire des disparus de la guerre sale, periode de dictature en Argentine (1977-1983). Cafe con leche et media luna, et a nous la Florida! La plage a revetu ses allures de dimanche pour l´occasion. Un large boulevard suit les courbes des plages de sable jaune, borde d´une promenade pietonne a l´ombre des arbres alignes. References : la croissette ou la promenade des Anglais, les plages de Barcelone. Des cafes et des bars, des clubs de kayak, des terrasses privees avec leurs transats et parasols. Sabrina se pose sur un gradin pour dessiner le paysage tandis que je me baigne. L´eau est laiteuse, le fond est couvert d´une vase limoneuse tres douce.

Les bancs et les allees sont noirs de citadins en recreation apres le travail. Sirotant le mate, poussant les enfants, en footing, etales sur les pelouses, le vaste espace de respiration de la cite est investi a la hauteur de ses proportions: massives. De l´autre cote du rio, des vols d´oiseaux blancs passent au dessus des iles sauvages. Au loin, les couleurs layette des silos a grain, reconvertis en musee d´art contemporain, attrapent les derniers rayons de soleil.


dimanche 22 mars 2009

Gauchito Gil


Reveil au chant des oiseaux dans le fond du jardin. Nous prenons le petit dej´attables sous la pergola et partons pour le fameux sanctuaire du Gauchito Gil, a 8 kilometres de Mercedes. Dans toute l´Argentine, un veritable culte populaire est voue a ce gaucho (cowboy argentin) de legende, qui, parait il, protege les automobilistes et prodigue des miracles. Depuis la Patagonie, voila deux mois, les drapeaux rouges des petits sanctuaires du Gauchito ponctuent le bord de nos routes. Cette visite est un hommage rendu a ces milliers de kilometres, dans les bus d'Argentine, parcourus sains et saufs.

Nous longeons ainsi la nationale sous un soleil ardent, juste ventile par un petit souffle de vent. De part et d´autre, d´ immenses etendues broutees par les vaches. Quelques scooters charges de familles au complet, sans casque, tracent leurs routes. De vieilles Renault pleines a craquer, chaises et tables pliantes sur le toit, nous ignorent et les derniers kilometres vers le sanctuaire sont laborieux. Enfin, une tache rouge, dominee par un nuage de fumee de parrilla, emerge au loin comme un mirage. Des parkings, des restaurants, des bodegas apparaissent au bord de la route. C´est la! Accumulation informelle de boui-boui formant une rue, puis une autre, c´est un dedale de boutiques souvenirs et de lieux de recueillement. Le royaume du kistch. Chaque local est inacheve, rafistole. Il y grouille une vie debordante. Les familles viennent y festoyer le dimanche. Autour du sanctuaire de Gauchito Gil, rendu chauve a force d´etre touche a la tete, les cierges rouges brulent sans cesse. Et des couches successives se sont rajoutees, d´autres autels, un arbre rouge symbolique recouvert de cire, un preau, un musee. Jusqu´au plafond, des plaques d´immatriculation par milliers forment une cote de maille. Les offrandes sont classees et stockees dans le musee aux horreurs. Au plafond, les robes de mariee cotoient les velos, les poignards, les maillots de foot. Sur des etageres serrees, s´empilent des milliers de babioles poussiereuses et les murs sont couverts de plusieurs couches de photos de famille, de paquets de cigarette et autres amulettes. Sous le toit du sanctuaire, la foule se presse en cercle autour des musiciens. Ils font danser des couples en cadence, c´est le chamame traditionnel. C´est aussi le royaume des gauchos. Arpentant les allees, ils arborent leur magnifique tenue, le port altier et fier.

On retourne dans la rue des cantines. Devant chaque terrasse ombragee par des taules, une parrilla fume patiemment. Les cuisiners nous haranguent avec ferveur, on se laisse seduire par le plus virulant, un surexite en maillot de foot et casquette, qui siffle a tue tete en montant a fond le son du chamame. La carte que nous presente une chaleureuse mamie, en chapeau de cow boy, est grassement remplie de plats typiques. On commande des grillades, copieuses. Fabuleux dejeuner dans ce decor a la pointe du vernaculaire, au milieu de cette mecque populaire.


Pour ceux qui comprennent l´espagnol et qui veulent en savoir plus sur cette figure populaire:


jeudi 19 mars 2009

Missiones




San Ignacio Mini

Les Missions sont encore aujourd´hui un exemple d´utopie sociale reussie, qui a dure plus de 70 ans et qui a conduit, pour cette raison, a classer le site patrimoine mondial de l´humanite. C´etaient de petits villages perdus dans la jungle, generallement construits sur une butte. Les Jesuites, pas plus de trois par mission, pour quatre mille indiens Guarani, respectaient la structure sociale en place en integrant l´autorite des casiques. Ils developpaient leur savoir faire en matiere de construction, de production agricole et d´enseignement, tout en catholicisant la communaute. L´art jouait un role fondamental de communication entre les europeens et les natifs. En echange, les indiens etaient proteges de l´esclavage que pratiquaient les Portugais du Bresil. Cette experience sociale a ete interrompue par la couronne espagnole car les Jesuites, apprecies, etaient devenus genants dans la conquete du territoire.

On laisse l´air climatise, le patio debordant de plantes aquatiques et la penombre du musee pour les ruines. Un guide, descendant des indiens Guaranis, a l´etrange visage brule, nous emmene au depart de la grande allee principale. Dans la perspective que forme la voute des arbres exotiques, on apercoit les restes de roche rouge d´une facade d´eglise richement sculptee, temoins du passe qui portent plus de force que n´importe quelle eglise en parfait etat. L´image fait reference a ces temples perdus dans la jungle que l´aventurier decouvre, ebahi par la lueur doree du tresor. C´est le soleil, frottant ses derniers rayons roses sur les bas reliefs, qui illumine le portique de cette presence magique.



Santa Ana

Nous penetrons enfin dans cet etrange fouilli de pierres et de jungle melange. Le travail de nettoyage et mise en valeur des vestiges est important mais ne suffit pas a oter le charme mystique de la culture ensevelit sous la nature. Les traces sont tenues. La grande place vide, que brisent seulement quelques palmiers perdus, est bien aux memes proportions que celle de San Ignacio. Mais la facade de l´eglise est ecroulee en tas de blocs sur les grands degres qui en tenaient le socle. Seule partie bien presente, le cimetiere, abandonne seulement depuis les annees 80. La visite en est saisissante. On dirait un authentique decor de film d´horreur. Les tombes, envahies par la vegetation, dressent desesperement leur croix de beton. Les caveaux ouverts laissent entrer les raies de lumiere dans la crypte, ou des cercueils poussiereux gisent, beants, dans les decombres. Dans un mausolee a la porte degondee, des racines de ficus etrangleur ecartent les fentes des murs. Lezarde par ces membres noirs et envahissants, le pretencieux monument semble attaque par une gorgone petrifiee. Du toit, jaillit une touffe demesuree d´arbres enchevetres. On quitte ce theatre cauchemardesque, ou seul manquent les morts, qui sont partis pendant la nuit...

mercredi 18 mars 2009

Iguazu

Une passerelle emmene les visiteurs et traverse les innombrables bras de riviere transparents et langues de terre jonchees d´arbres serres en bouquets debordants. Ponton de metal transparent pose sur des piles de beton, l´ouvrage semble solide et durable, a l´epreuve des admirateurs agglutines par centaines sur les parapets, a observer des poissons ventouses remonter le courant. Comme des milliers de Gapeaux, eaux teintees de vegetal infuse, les ramifications du Rio Iguazu s´enchevetrent en un systeme magnifique de petites iles, parfois separees par d´immenses largeurs d´eau libre. Le fond n´est que de quelques dizaines de centimetres, grande dalle rocheuse sur laquelle court le delta a l´envers. Car Iguazu est un entonnoir geant. Apres plus d´un kilometre de traversee, la passerelle parvient a un belvedere ou se tassent les gens, balcon suspendu au dessus des biens nommees "gorges du diable". Le spectacle est reellement incroyable: convergeant la, des millions de metres cubes se precipitent dans un trou en amphitheatre dans une puissance inimaginable. L´effet d´optique de ce tapis convergeant, s´enfoncant et disparaissant dans la brume est hallucinant. On reste la, muet, a observer tant de violence dechargee en continu par la nature, sans que rien ne parvienne a rompre le saisissement. Ni les touristes, ni les photographes et les guides, dont les cris sont couverts par le grondement assourdissant des chutes, ne gachent le spectacle a sensation. De l´autre cote, la falaise se prolonge comme une longue marche horizontale, de laquelle tombent des lambeaux de cascades blanches, aspirant les guirlandes de plantes vers le vide. Le souffle du diable, nuee blanchatre de gouttelettes et de brume, agite les touffes de graminees detrempees; et mouille par bourrasque les touristes. Un panache s´eleve dans le bleu du ciel et claque en disparaissant dans l´air, comme la langue de serpent du demon fouettant sans relache. Grand moment d´emerveillement devant cette surprenante entreprise de la Nature.






mardi 17 mars 2009

Corrientes

Une journee dans la ville frontiere avec le Paraguay



Promenade sur les rives du grand fleuve Parana