jeudi 29 janvier 2009

En permaculture

Le voyage fait une pause a El Bolson, au nord de la Patagonie, pour un temps de sedentarisme un peu particulier. Nous avons choisi d´atterir ici dans cette bourgade au pied des Andes encore un peu enneigees pour sa reputation de "ville ecologique". En arrivant au centre ville, rien n´indique un quelconque soucis planetaire, la concentration en tacots crachant des nuages d´essence est meme pire qu´ailleurs. Seule particularite, la feria artisanale des babas cools, ou s´attroupe une jeunesse rebelle en vacances, sac au dos. Car en realite, ce qu´íl y a d´alternatif a El Bolson se passe dans les environs. La campagne sur des kilometres a la ronde est peuplee de projets ecologiques, de communautes auto-suffisantes, de fermes produisant des legumes plus que bio(bio dynamiques), de forets natives habitees par des neo indiens en tipis... C´est aussi la mecque des hippies, le Katmadou de l´Amerique latine.
Nous allons passer quelques temps ici pour explorer differents projets, en commencant par le CIDEP.
Nous avons passe cinq jours au Centro de Investigación, Desarrollo y Enseñanza en Permacultura pour un atelier de contruction naturelle. Nous nous retrouvons ici avec des gens de notre generation, tous venus de loin pour cet atelier, tous meut par le meme ideal, changer le monde de ses propres mains. De tres belles rencontres et de tres grands souvenirs.















http://www.cidep.bolsonweb.com/

mardi 27 janvier 2009

Route argentine





Nous plions les sacs et faisons une derniere ballade dans la ville pour depenser notre monnaie chilienne car nous quittons ce pays pour la derniere fois. Le bus s´en va pour les immensites vides de la Patagonie argentine, que nous allons traverser pendant 33 heures jusqu´a la region des lacs au nord du Chubut. Pas de doute, nous voguons en direction de l´Argentine: la plupart des voyageurs passent le temps en tirant sur leurs pipes a mate. Quelques gauchos au teint basane portent fierement santiags et sombreros. L´ocean de touffes decolorees et de buissons arides berce nos pensees de sa houle lancinante, disparaissant lentement derriere le bus. Nous admirons le leitmotiv depuis la vitre avant, ce qui permet d´apprecier un peu mieux le charme de cette chevauchee. La liberte qu´offre ce road trip nous manque pour aimer cette partie de la Patagonie, je reve de m´arreter pour pecher dans le vaste ocean atlantique sud qui disparait dans le ciel sombre. Les troupeaux de lions de mer, le bivouac au milieu de cette solitude, la chevauchee comme un gaucho dans le vent...Mais nous ne nous arretons que dans des villes sinistres, champignons industriels crees de toute piece.


Nous passons la premiere soiree en transit dans la ville de Rio Gallegos. Au coucher du soleil, en cette soiree d´ete, l´ambiance est d´une poesie inattendue, relevee par la plastique de metal et de rouille du terminal des vraquiers. Un vieux remorqueur echoue pour faire digue raconte une histoire de mer fascinante et figee, face au quai ou les promeneurs flanent en revant. Les pecheurs sur les galets, lancent leurs lestes qui deroule une boite de conserve en guise de moulinet, Nous rentrons a travers les quartiers, ou, entre chien et loup, les enfants s´amusent devant les familles sur le pas de la porte. Une chaleur populaire habite cette ville comme on peut le dire de Marseille, et rend le lien attachant bien plus que la grisaille de l´architecture ouvriere ne le laisserait deviner.

vendredi 23 janvier 2009

Punta Arenas


Arrivee a Punta Arenas, la ville la plus au sud de notre periple, capitale de la region des Maganalles. Ce port important tient une reputation fameuse aupres des marins du monde. La ville compte quelques traces d´influences exotiques, temoins d´un passé riche et cosmopolite. L´agglomeration s´etend loin le long des cotes et se disperce dans des taudis d´installations portuaires crasseuses. Nous accostons dans une petite hospedaje familiale, tenue par une mama aux yeux tombants et surmaquilles de vert, qui meut sa masse tassee avec energie. Elle est plus petite que tous ses clients, mais domine de son autorite matriarcale la maisonnee. Omnipresente, rien de ce qui se passe sous son toit ne lui echappe, ce qui rend sa compagnie a la fois attachante et etouffante.

Grosse nuit de repos, on attrape de justesse le petit dej maison puis partons en ville pour la derniere journee avec Mylene. Nous parcourons le damier de la ville, blocs de petites maisons, depareillees et rivalisant d´audace decorative. Les jardins, coquets et kitch a souhait, sont parsemes de lupins colores. Eux seuls nous indiquent que nous sommes en plein ete austral. Coupant le quadrillage regulier en travers, un fleuve canalise traverse la ville en se chargeant de dechets. Nous atteignons la place centrale, spacieuse avec ses belles facades exotiques debut du XX siecle. Les cypres haut dresses sur leurs troncs, protegent les allees du vent agressif et dispensent leur ombre bienfaisante, changement notoire en comparaison avec la vieille photo de la ville en noir et blanc qui les montre adolescents. Des touristes blemes et adipeux, croisieristes en recreation, balladent leur objectifs poses sur leur bedaine et se dissimulent maladroitement derriere un faux air neglige. Les marchands d´artisanat trainent cette foule lucrative entre leurs echoppes alignees comme la clairevoie d´une nace. Nous repartons pour le mirador, balcon en soutenement sur les hauteurs de la ville. Les maisons et toits de tole sont agglomeres le long du detroit de Magellan en une plage de couleurs vives. Les bateaux a l´amarre le long des jetees sont comme des morceaux decroches du glacier urbain qu´ont bati les hommes. Derniere photo, tous les trois devant le bout continent, et de l´autre cote, la Terre de feu. Pour sceller cet instant, nous trinquons nos Australes a la terrasse panoramique du bar "Mirador", petite baraque de tole turquoise et decoree de rondelles de bois. Sur le toit, un manchot, mascotte de la ville, sirote un cafe face au large, echarpe rouge dans le vent.

samedi 17 janvier 2009

Ode au pas










7h20, la navette nous ramasse a l´hotel et continue sa tournee, alors qu´on s´endort avant d´avoir quitte la ville. On se reveille dans le paysage des immensites sauvages de la Patagonie preservee du Parc National Torres del Paine. Les lacs et les rivieres coulent doucement entre des monts etires, il pleut et la piste s´enfonce jusqu´au poste d´entree. Les condors tournoient au ras des reliefs pour secher leurs plumes, pendant que nous payons nos billets. Puis nous suivons en bus la piste de liaison jusqu´a l´embarcadere du lac Pehoe, accompagnes par les guanacos et les nandous. Le bateau est un catamaran profile pour affronter les vagues impressionantes que le vent arrache au lac turquoise. Sur la berge se detachent los Cuernos embrumees. Le bateau accoste a l´autre bout du lac et on debarque en croisant la file d´attente des randonneurs sur le retour. Etrange reflet de nous memes, que separe l´aventure deja vecue.
Apres un frugal pique nique au refuge Pehoe, on endosse nos equipages, on boucle la ceinture, on regle les sangles, on ajuste les bonnets, on serre les lacets, on empoigne les batons. Premiere fois de ce rituel que l´on va repeter tant de fois pendant cinq jours durant. Tout est enfin pare, c´est parti!
Les premiers kilometres du fin sentier s´enfilent dans un vallon a flanc de montagnes. Le premier contact avec le fil conducteur qui va nous emmener a travers le massif est plutot surprenant:200 000 visiteurs par an, et le chemin n´est pas plus large que le pas. Simplement, deux traces semblent s´entremeler en permanence: la principale, celle qui a ete ouverte et balisee par les rangers; et comme son ombre, ou plutot son double, la seconde version, plus fantasque mais plus discrete qui improvise des variantes comme un chien fou autour de la premiere. Le marcheur suit par defaut la trace principale, mais pour un tas de raisons bifurque sur l´un des bras secondaires. Le plus souvent, c´est pour croiser le marcheur d´en face mais aussi parce que la piste principale est deterioree a force d´utilisation, parce qu´elle est boueuse ou qu´une flaque d´eau l´inonde, parce qu´un arbre la barre ou parce qu´a force de couper un virage, il de vient normal de la quitter. Le chemin est une tranchee nette dans la vegetation, que les rangers entretiennent en debroussaillant les abords, en coupant les branches des arbres genantes mais aussi que les pas maintiennent propre. De chaque cote, les batons de marche dessinent deux petites traces de vegetation ecrasee. Sous le poids des chaussures a crampons, la terre vegetale des premiers horizons se tasse et finit par disparaitre, le chemin est une tranchee au sens propre qui a atteint le fond mineral stable. Les rives de ce rail sont epaisses de la profondeur de la rizhosphere. Lorsque nous traversons des zones rocailleuses, l´impression du pas disparait. La trace est alors moins evidente et se perd plus facilement en de multiples branches, induisant en erreur et guidant pafois le marcheur dans une fausse route qui se perd ou s´arrete brusquement sur un obstacle. A chaque fois que le sentier s´approche d´un evenement remarquable, chute d´eau, point de vue, etc...un barreau quitte la piste dans sa dirrection ou s´en approche au plus pres.
On pourrait penser, a voir tous ces marcheurs tete baissee sur leurs pieds, que la randonnee est un parcours de combattant contre les faux pas, l´echine ployant sous le poids d´un sac a dos demesure, un spectacle rate du paysage que l´on ne peut admirer faute de pouvoir relever la tete pour y promener un regard libere. Mais il n´en est rien car la marche sur un sentier est comme la lecture d´une phrase infinie ecrite par les pas successifs des marcheurs qui nous ont succedes sur la page blanche de la nature. Et chacun lit, dans sa version personnelle, l´histoire que raconte, comme un brail fait par le pied, les infractuosites, defauts et accidents de ces rubans entremeles. Les montees, les descentes, les marches, les detours et contournements sinueux, les passages a guet, par une passerelle, un ponton, tout cela raconte l´histoire d´amour qui se joue entre le paysage fougueux et la volonte tenace des hommes de l´apprivoiser. A notre tour, et comme pour la premiere fois, nous dechiffrons lentement cette prose en direction du glacier Grey, faces au vent d´une violence que l´on ne pouvait imaginer.



Le loin


Le petit


Le grand

Le fort

Les autres

mercredi 14 janvier 2009

lundi 12 janvier 2009

Pampa

On saute dans le premier bus pour l´Argentine, sans temps mort. Nous voila installes pour la journee dans nos fauteuils, parcourant les plaines infinies de la seche prairie patagonienne. Comme un disque raye, le paysage defile dans une monotonie lancinante. L´horizontale, sans horizon, a perte de vue. Une ligne electrique suit notre piste, lien politique tenu entre la civilisation et le vide. Ces territoires sont l´enjeu de conquete pour l´Argentine et le Chili, cars ils recelent en sous sol du petrole. Mais cette richesse, pompee inlassablement par de lourds moulins noirs, s´en va au loin par des tuyaux, et laisse derriere elle une nature violee encore plus desolee, sans profiter a personne ici. L'existance du poste frontiere, fantomatique, perdu dans toute cette vacuite, souligne l´absurdite de la limite administrative. Meme les interminables clotures de barbele, qui lacerent les steppes, semblent derisoires tant la desolation se joue des tentatives de l´homme de controler le vent libre. Un relief, un orage, un village de colons, un chemin secondaire qui se perd dans le lointain... ces quelques evenements ne suffisent pas a donner a notre voyage la densite du temps. Ce sont nos lectures qui seules remplissent nos reves, sur le fond jaunatre uniforme des deserts paturages.

dimanche 11 janvier 2009

Cerro Castillo




Il est deja midi lorsqu’on decolle du village pour une randonnee a la decouverte du Cerro Castillo (Literalement: Mont Chateau), qui domine fierement notre paysage depuis deux jours.

Notre hotelier nous a prete un guide de trekking dans le massif, mais le depart est difficile, car l’entree du sentier est de l’autre cote d’une propriete enclose. Apres un bon moment de recherches, nous parvenons enfin a penetrer dans les profondeurs de la nature de plus en plus sauvage. Les pres cedent la place a des friches escarpees tombant a pic dans un torrent tumultueux. Le sentier s’y perd en chemins de chevre flous et sans issue, mais qui finissent par converger vers une piste de chevaux.
L’ascension peut alors commencer serieusement, jusqu’a atteindre les derniers bosquets d’arbres. La pente s’accentue et que les taons, toujours plus nombreux, nous tournent autour de la tete et nous piquent sournoisement. De quoi devenir fou si la progression a travers les pierriers n’etait cette epreuve qui demande toute notre prudence et toutes nos forces. Dans notre dos, le paysage du fond de la vallee s’eloigne pas apres pas, et l’horizon qui s’agrandit laisse maintenant deviner des lacs lointains aux eaux bleues comme le ciel.
Dans un ultime effort de casi alpinisme, nous atteignons notre but: un col sur la crete de la derniere barre rocheuse qui masque le pied du mont depuis la plaine. Nous voila seuls dans ce desert de cailloux de granit et mineraux aux couleurs metalliques. Le sommet du Cerro Castillo nous apparait enfin dans toute sa splendeur de roche noire striee. Nous sommes ecrases par son imposante stature. L’ombre aceree de sa silhouette ciselee de crenaux, aiguilles et donjons se projette sur les champs de neiges eternelles en contrebas. Mais le spectacle est encore plus grandiose lorsque nous parvenons de l’autre cote de la crete pour atteindre un surplomb: le chateau emmerge d’un glacier qui lui-meme repose sur un socle de cent metres de haut. Et tout en bas, une lagune d’un bleu turquoise absolu baigne la base massive de cette forteresse de geant. Des cascades qui chutent depuis le glacier inondent la cuvette d’un grondement tenebreux. Depuis nos premieres loges, nous assistons a cet opera dramatique que nous joue la nature avec d’autant plus d’emotion que nous l’avons gagne dans le depassement de nous meme.
La redescente, longue et rendue poussiereuse par le passage des chevaux est difficile. Parvenus a un petit plateau degage, nous marquons une pause pour nous soulager de nos douleurs en admirant la vue transcendee par la magnifique lumiere du soir. Decoupees en ombres chinoises, les montagnes disparaissent en degrade dans le lointain, revelant la profondeur et l’immensite du paysage. L’arrivee au village est une delivrance et nous buvons nos bieres, fraiches comme dans nos reves, installes a l’abri du bus echoue de La Cocina de Sole. Par les fenetres, on peut voir la montagne gravie. Je regarde le theatre de notre parcours se derouler la haut dans mes souvenirs et disparaitre dans l’ombre froide du soir qui finit de tomber des sommets.









samedi 10 janvier 2009

El gringo loco




Apres une courte sieste, on part pour une marche jusqu´a un lac repute pour la peche. A cette heure la plus chaude, on se croirait dans nos collines varoises aux roches chauffees par le soleil. En chemin, on croise sur la piste un americain en 4x4 aux cheveux couleur carotte qui nous repond chaleureusement. Au detour d´un virage, nous distinguons les eaux turquoises d´un lac idyllique qu´un petit ponton aborde: l´occasion revee pour enfin pecher. Je lance mon leurre, mais j´accroche au fond dans les roseaux et me retrouve a poil en train de plonger pour recuperer ma cuillere dans l´eau cristalline mais gelee.Tandis que les filles s´installent pour peindre en bronzant sur le ponton, je decide de pecher sur un poste plus degage. Arrive sur un eperon rocheux, mon coeur se met a battre tandis que je distingue d´enormes carnassiers a quelques metres de profondeur. Immediatement, les monstres prennent en chasse mon appat mais soudain, revoila l´americain au commande d´une barque qui vient a ma rencontre a toute blinde. Il m´explique en espagnol que le lac est prive et que la peche y est par consequent interdite! Voyant ma deception, il nous propose a tous les trois de rencontrer le "chef" qui habite une yourte au bord du lac afin de negocier une journee d´apprentissage de peche a la mouche. On embarque tous les trois et nous voila a naviguer en direction de la rive opposee. Sa femme nous ouvre alors la porte de la yourte blanche qui resplendit au soleil. L´architecture circulaire, piece a vivre, est integree dans des cubes de bois aux larges ouvertures. Elle nous invite a nous installer dans cet interieur douillet aux canapes en poils d´alpaca et au poelle fumant, baigne d´une douce lumiere provenant du dome translucide. Des tenues de pecheurs sont suspendues aux murs, des mouches, cannes a peches et photos de trophes achevent le decor de ce repere de passionnes. Nous comprenons alors que "le gringo loco", comme il aime a etre appele, est tout simplement le proprietaire de ce domaine enchanteur!
Nos hotes nous invitent a prendre l´apero a 3 heures de l´apres midi. Lee s'empresse de deboucher des rouges argentins, alors qu´Alice prepare une planche de fromages fumes et charcuterie. Nous discutions dans une langue qui mele espagnol et anglais, ebahis par une telle generosite improvisee autour de cet apero tres frenchie. Puis nous faisons le tour du proprietaire: l´enclos des alpacas, le potager, la serre, l´eolienne et les panneaux solaires...
En quittant ce petit havre ecolo de reve, 4 heures apres, Lee me laisse trainer un leurre aux poils argentes derriere le bateau mais, une fois de plus, le poisson ne "parle" pas. Nous nous quittons sur une chaleureuse poignee de main, et alors qu´il s´excuse encore de m´avoir reprimande de pecher dans son lac, je l´assure que j´ai largement prefere leur rencontre a la partie de peche prevue.


¡Muchas gracias a ustedes! Thank you very much.

mercredi 7 janvier 2009

Traversee






Les promeneurs, dans leur attitude estivale, ne semblent pas souffrir du vent glacial qui souffle au bord de la baie. L´air de la Patagonie provient jusqu´ici comme un appel au large.
On se rechauffe dans une brasserie avant de rejoindre le port. Embarques sur notre rustique cargo transforme en navire de croisiere pour camions et backpackers, nous sautons sur le pont pour saisir la beaute des tableaux que le bateau surplombe. De tout cote, des scenes de vie portuaire, baignees de la lumiere rasante du couchant, font notre admiration et inspirent notre regard de peintre et de photographe. Les dockers s´activent sur le pont pour amarrer les camions et les voitures, qu´un ascenseur monte au niveau superieur. Autour du bateau, les remorqueurs se mettent en place, on detache les amarres lorsque les cheminees crachent une epaisse fumee noire. Je grimpe sur le pont superieur au moment ou la corne de brume clame un grand signal de depart. Le bateau s´ebranle, pivote lentement et s´en va, laissant dans son sillage les lumieres de Puerto Montt. Je rejoins la cabine en vascillant et tombe dans un sommeil de brave, berce par le ronronnement des machines.