samedi 17 janvier 2009

Ode au pas










7h20, la navette nous ramasse a l´hotel et continue sa tournee, alors qu´on s´endort avant d´avoir quitte la ville. On se reveille dans le paysage des immensites sauvages de la Patagonie preservee du Parc National Torres del Paine. Les lacs et les rivieres coulent doucement entre des monts etires, il pleut et la piste s´enfonce jusqu´au poste d´entree. Les condors tournoient au ras des reliefs pour secher leurs plumes, pendant que nous payons nos billets. Puis nous suivons en bus la piste de liaison jusqu´a l´embarcadere du lac Pehoe, accompagnes par les guanacos et les nandous. Le bateau est un catamaran profile pour affronter les vagues impressionantes que le vent arrache au lac turquoise. Sur la berge se detachent los Cuernos embrumees. Le bateau accoste a l´autre bout du lac et on debarque en croisant la file d´attente des randonneurs sur le retour. Etrange reflet de nous memes, que separe l´aventure deja vecue.
Apres un frugal pique nique au refuge Pehoe, on endosse nos equipages, on boucle la ceinture, on regle les sangles, on ajuste les bonnets, on serre les lacets, on empoigne les batons. Premiere fois de ce rituel que l´on va repeter tant de fois pendant cinq jours durant. Tout est enfin pare, c´est parti!
Les premiers kilometres du fin sentier s´enfilent dans un vallon a flanc de montagnes. Le premier contact avec le fil conducteur qui va nous emmener a travers le massif est plutot surprenant:200 000 visiteurs par an, et le chemin n´est pas plus large que le pas. Simplement, deux traces semblent s´entremeler en permanence: la principale, celle qui a ete ouverte et balisee par les rangers; et comme son ombre, ou plutot son double, la seconde version, plus fantasque mais plus discrete qui improvise des variantes comme un chien fou autour de la premiere. Le marcheur suit par defaut la trace principale, mais pour un tas de raisons bifurque sur l´un des bras secondaires. Le plus souvent, c´est pour croiser le marcheur d´en face mais aussi parce que la piste principale est deterioree a force d´utilisation, parce qu´elle est boueuse ou qu´une flaque d´eau l´inonde, parce qu´un arbre la barre ou parce qu´a force de couper un virage, il de vient normal de la quitter. Le chemin est une tranchee nette dans la vegetation, que les rangers entretiennent en debroussaillant les abords, en coupant les branches des arbres genantes mais aussi que les pas maintiennent propre. De chaque cote, les batons de marche dessinent deux petites traces de vegetation ecrasee. Sous le poids des chaussures a crampons, la terre vegetale des premiers horizons se tasse et finit par disparaitre, le chemin est une tranchee au sens propre qui a atteint le fond mineral stable. Les rives de ce rail sont epaisses de la profondeur de la rizhosphere. Lorsque nous traversons des zones rocailleuses, l´impression du pas disparait. La trace est alors moins evidente et se perd plus facilement en de multiples branches, induisant en erreur et guidant pafois le marcheur dans une fausse route qui se perd ou s´arrete brusquement sur un obstacle. A chaque fois que le sentier s´approche d´un evenement remarquable, chute d´eau, point de vue, etc...un barreau quitte la piste dans sa dirrection ou s´en approche au plus pres.
On pourrait penser, a voir tous ces marcheurs tete baissee sur leurs pieds, que la randonnee est un parcours de combattant contre les faux pas, l´echine ployant sous le poids d´un sac a dos demesure, un spectacle rate du paysage que l´on ne peut admirer faute de pouvoir relever la tete pour y promener un regard libere. Mais il n´en est rien car la marche sur un sentier est comme la lecture d´une phrase infinie ecrite par les pas successifs des marcheurs qui nous ont succedes sur la page blanche de la nature. Et chacun lit, dans sa version personnelle, l´histoire que raconte, comme un brail fait par le pied, les infractuosites, defauts et accidents de ces rubans entremeles. Les montees, les descentes, les marches, les detours et contournements sinueux, les passages a guet, par une passerelle, un ponton, tout cela raconte l´histoire d´amour qui se joue entre le paysage fougueux et la volonte tenace des hommes de l´apprivoiser. A notre tour, et comme pour la premiere fois, nous dechiffrons lentement cette prose en direction du glacier Grey, faces au vent d´une violence que l´on ne pouvait imaginer.



Le loin


Le petit


Le grand

Le fort

Les autres

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