Les montagnes des Andes, sculptees par des milliers de petits champs en terrasses, disparaissent sous une chape de nuages cotonneux qui laisse entrevoir peu a peu un ocean vegetal qui semble recouvrir la terre. Je suis fascinee par les fleuves de boue qui serpentent a travers la jungle et qui n´ont que pour but d´aller grossir un peu plus l´Amazone. Des clairieres immenses ont ete ouvertes a certains endroits, quelques arbres rescapes du champs de guerre s´y tiennent droits comme des soldats. Ils dispensent un peu d´ombre aux dizaines de vaches qui broutent cette herbe primaire.

La ville de Puerto Maldonado est parcourue par des centaines de motos sur lesquelles des familles entieres s´y entassent joyeusement. On les retrouve dans des pirogues voguant sur le rio Madre de Dios, abritees par des ombrelles, chargees de cargaisons diverses...Pecaris equaris aux pattes raides, regime de bananes, poissons enveloppes dans des feuilles.Certaines familles vivent dans de droles de maisons flottantes, mi cabane, mi bateau. Elles suivent les sillons d´or fievreusement, filtrant sur un grand tapis roulant les paillettes de metal extraites du sable du rio. Etrange spectacle que ces maisons orpailleuses dont le tapis arriere ressemble a une grande langue rejettant continuellement boue et mercure. Cette fascinante alchimie fragilise et contamine dangereusement les milieux naturels, mais ne fait que renforcer le mystere et la magie qui flottent dans l´air de l´Amazonie. Dix mille kilos de pepites sont extraites frenetiquement dans ce seul secteur, encourage par le maire de Puerto Maldonado qui possede une des plus grandes usines de traitement de ce precieux metal.

Le fleuve charrie boue, troncs, debris de selva, pirogues et embarcations diverses animees par un moteur a l´arbre a helice demesurement long. Cette autoroute fluviale large de plusieurs centaines de metres nous conduit tous les jours vers de nouvelles destinations.

La plus magique a ete la Reserve du Lac Sandoval. Nous y sommes arrives apres une lourde pluie tropicale bien drue qui a laisse place a un ciel eclaire de fin de journee. Les rayons de soleil illuminaient la rive d´en face, animant les reliefs du bosquet originel aux silhouettes d´arbres savaniennes. Une brume etait en train de s´elever doucement au dessus des eaux du lac, des milliers de gouttelettes nous enveloppaient peu a peu et nous permettaient nous aussi de participer au spectacle. Les decoupes longilignes des palmiers aux puissants troncs blancs s´elevaient a travers la canopee, en mirant leurs reflets tel Narcisse en Amazonie. Leurs grosses grappes de fruits inaccessibles faisaient le regal des singes hurleurs rouges. A notre approche, une tete de crocodile aux yeux protuberants s´echappa tranquillement au dessus de l´eau tandis qu´un heron survolait de ses ailes geantes le paysage. Quelques palmiers au socle racinien impressionant s´etaient egares dans l´eau, formant des iles minuscules ou des ficus avaient elu domicile tel Robinson. De gros oiseaux colores de brun et de bleu outremer faisaient secher leurs ailes au soleil, leurs gorges emettant un profond rale humain qui resonnait au loin. L´impression d´un homme poursuivit par un jaguar, "un roman d´amour lu par un vieux monsieur quelque part en Amazonie".

Racines contreforts

2 commentaires:
Je regarde régulièrement votre blog.
Super voyage et magnifiques dessins de Sabrina qui agrémentent bien le récit.
Je vous souhaites de bonnes fêtes dans le désert.
J'attends les photos qui me rappelleront mon passage au pied du volcan Licancabur en Bolivie.
Nous penserons bien à vous à Noël chez JP.
Jean Luc
Beautiful illustrations!!!
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